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Osez…mais pas trop : le paradoxe des objectifs ambitieux

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Dans nos précédentes newsletters, Du noir et blanc au technicolor et Le paradoxe d’ identité , nous avons découvert les ressources cachées des paradoxes et des polarités, à la fois dans notre environnement et en nous-mêmes. Nous avons exploré un moyen de rester fidèle à notre identité fondamentale et en même temps de cultiver cette flexibilité qui nous permettra de grandir et d’apprendre tout au long de notre parcours de vie. Nous avons commencé à comprendre le fonctionnement de nos histoires internes pour en être le maître et l’auteur afin d’écrire notre récit consciemment, mot par mot.

Vous pouvez maintenant sentir que vous êtes prêt à faire le prochain saut dans votre avenir, réinventer une nouvelle version de vous-même. Mais, attention à ne pas tomber dans le piège des « objectifs ambitieux » [1].

Les objectifs ambitieux dans les entreprises

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un « objectif ambitieux » ? Il comporte :

Une extrême difficulté – les objectifs ambitieux impliquent des attentes qui vont au-delà des capacités connues et des performances actuelles.
Une nouveauté extrême – Il faut trouver de nouveaux chemins et approches pour atteindre un objectif ambitieux. En d’autres termes, il est nécessaire de travailler différemment, pas simplement plus de temps ou avec plus d’efforts.

Le paradoxe constaté par Sitkin, Miller et See dans leurs recherches montre que, contre intuitivement, les entreprises qui échouent ou qui sont au bord de la faillite sont celles qui les plus souvent se fixent des objectifs ambitieux. Cela peut sembler incroyable compte tenu de la quantité de ressources et de connaissances qui semblent être nécessaires pour se lancer dans une aventure aussi ambitieuse. En fait, pour atteindre un objectif ambitieux il est essentiel d’avoir :

– Une série continue de succès
– Des ressources en abondance

Ces deux éléments sont en fait nécessaires pour prendre des risques et absorber les échecs. Chaque innovation, en fait, chaque nouvelle voie empruntée sera pavée de briques d’échecs : des choses que nous allons essayer et qui ne vont pas fonctionner mais qui vont nous apprendre comment mieux faire et nous indiquer la voie à suivre. Comme les briques dorées de Dorothy dans le sorcier d’OZ, elles apparaîtront peu à peu nous indiquant le chemin du château.

Cependant, comme nous l’avons dit, il ressort des résultats de la recherche que seules les entreprises qui n’ont qu’un seul de ces éléments, voire aucun des deux, sont celles qui risquent le plus de se fixer des objectifs ambitieux, avec des résultats statistiquement négatifs, du fait qu’elles font un investissement qu’elles ne peuvent pas se permettre. Pourquoi prennent-elles ce risque si leur destin est presque certainement déjà écrit à l’avance ?

Parce que nous sommes généralement plus enclins à prendre des risques lorsque nous sentons que nous n’avons rien à perdre. Nous sommes tellement prêts à l’échec que nous essayons le grand saut dans le vide précisément au pire moment. Comme le montrent les recherches de Daniel Kahneman et Amos Tversky, lauréates du prix Nobel, l’échec met les décideurs dans un état d’esprit axé sur la recherche du risque. Lorsqu’ils choisissent d’agir avec audace ou de faire preuve de prudence, les entreprises en difficulté privilégient généralement la voie agressive, alors que le succès tend à créer une aversion pour le risque[2].

Plus nous en avons, plus nous nous accrochons à ce que nous avons de peur de le perdre, ne prenant pas le moment idéal pour faire le grand saut : quand nous sommes au sommet de la vague. Comme les surfeurs, ils n’essaient pas de se lever et de faire un double saut mortel quand la vague les écrase et que les projette sur le rivage, mais plutôt lorsqu’ils sont au sommet de la vague avec l’élan de l’eau sous la table et un équilibre ferme.

Les objectifs ambitieux pour nous en tant qu’individus

Nous constatons que ce qui est vrai pour les entreprises, l’est aussi pour les individus. Nous nous attachons à nos stratégies – nos schémas comportementaux habituels ou nos réactions habituelles – comme s’ils étaient la seule vérité seulement parce qu’ils ont bien fonctionné dans le passé. Ces succès nous ont rendu timorés de perdre quelque chose, si nous changeons nos stratégies ou nos comportements.

Mais c’est précisément au moment où nous surfons sur cette vague du succès que nous devons franchir le pas. C’est le moment de prendre un peu de risque : quand notre réputation est forte, notre moral est haut, les autres ont confiance en nous. C’est le moment où nous pouvons expérimenter et absorber les échecs, et commencer à agir comme les leaders que nous voulons devenir.

Nous ne devons pas attendre de changer quand les dynamiques habituelles ne fonctionnent plus, mais changer quand tout marche bien pour nous. Comme dans le cas de Rita, une manager avec qui nous avons récemment travaillé, qui est restée ancrée dans son approche habituelle quand elle est arrivée à la guide de sa nouvelle équipe. C’est bien grâce à cette approche qu’elle avait été promue, mais dans le nouveau contexte et avec ce groupe spécifique de personnes cela ne fonctionnait plus. Les signes d’inconfort devenaient de plus en plus évidents, le manque de cohésion au sein de l’équipe également, mais Rita continuait d’appliquer sa vieille stratégie, celle qu’elle connaissait, sans essayer de nouvelles routes. Ce resserrement a usé peu à peu sa crédibilité et le soutien de ses collègues, de sorte que, lorsqu’elle s’est aperçue de ce déclin, elle a tenté le tout pour tout pour modifier ses comportements de manière presque radicale, mais cela n’a pas marché car c’était trop tard. Il n’y avait plus de confiance, de soutien, de temps … la série de succès et l’excédent de ressources avaient expirés, et la tentative d’atteindre cet objectif ambitieux avait échoué.

Alors, qu’est-ce qui nous aide à explorer de nouveaux défis pour de nouvelles récompenses, sans tomber dans le piège de l’objectif ambitieux ?

  1. Établissez des objectifs d’apprentissage, pas seulement des objectifs de performance. Les apprentissages sont vos briques dorées, qui ouvriront la voie à la réalisation de vos objectifs plus ambitieux.
  2. Poursuivez de petites victoires et de petites pertes. Vous n’avez pas besoin d’un grand relooking qui risque de vous faire perdre votre identité. De petits changements vous donneront la liberté d’expérimenter. Par essais et erreurs, vous verrez ce qui fonctionne pour vous et votre entreprise, et ce qui ne fonctionne pas.
  3. S’assurer les surplus de ressources internes. Faites le plein d’énergie, de confiance, de connaissances et de soutien avant de franchir la prochaine étape – et faites-le pendant que vous l’avez.
  4. Amusez-vous ! Nous ne sommes pas des machines à laver avec un ensemble d’instructions rigides. Nous sommes un ensemble complexe de paradoxes, une union d’opposés, nous avons ceci ET cela et nous pouvons mélanger et assortir nos ressources pour nous construire de manière créative de la manière qui nous semble fidèle à nous même.
  5. Soyez en harmonie avec vous-mêmes. Pour tout ce qui précède, assurez-vous toujours que cela corresponde à ce qui vous importe le plus. Arrêtez-vous, respirez et sentez si ce que vous faites respecte vos valeurs fondamentales, et si c’est le cas, foncez !

 

Conclusion

La littérature sur le leadership vous dit de commencer votre voyage de leader avec une idée claire de qui vous êtes. Mais cela a comme risque de vous coincer dans le passé. Vous êtes faits pour évoluer en tant que personne et en tant que leader, en affrontant de nouveaux défis et en repoussant les limites de ce que vous savez – sortir de votre zone de confort et apprendre avec l’expérience. La croissance et le changement nous entourent et nous ne pouvons pas les en empêcher. Alors, choisissez la direction que vous voulez prendre et… profitez de la balade !

Co-écrit par Anna Gallotti et Selika Cerofolini

[1] SIM B. SITKIN, C. CHET MILLER, AND KELLY E. SEE. The Stretch Goal Paradox. HBR, January-February 2017
[2] Kahneman, D. & Tversky, A. (1979). Prospect Theory: An Analysis of Decision under Risk. Econometrica, 47 (4).

 

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