Le développement des équipes et la recherche de nouvelles façons de travailler ensemble ont pris une dimension supplémentaire dans un monde sous-tendu par la pandémie Covid. Dans cette série de quatre articles, nous examinons comment développer une culture d’apprentissage percutante qui peut transformer votre organisation de l’intérieur – malgré les mouvements du monde extérieur.
Ce premier article retrace les changements dans le paysage de la formation et du développement et comment les programmes pourront en être impactés.
I. Quels sont les changements ?
En tant que coachs professionnels, l’un de nos principaux interlocuteurs au sein des entreprises est le département des Ressources Humaines, et plus particulièrement les équipes chargées de la formation et du développement (Learning and Development – L&D). En effet, le coaching consiste à changer nos habitudes et nos comportements, à développer de nouvelles compétences ou à affiner les compétences que nous avons déjà. A travers nos collaborations avec des professionnels du L&D sur la manière de rendre l’apprentissage plus efficace pour les organisations, nous avons remarqué à quel point ce domaine évolue. De ce fait, nous nous sommes engagées dans une mission de recherche sur ce sujet pour analyser comment la question vitale de l’apprentissage pourrait être abordée dans le paysage d’entreprise changeant d’aujourd’hui.
Qu’avons-nous observé dans le paysage L&D?
1. La formation et le développement gagnent en importance au sein des entreprises qui veulent mettre en œuvre leur stratégie avec succès.
C’est donc une excellente nouvelle pour les professionnels de l’apprentissage, car cela signifie que les entreprises sont désireuses d’investir dans ce domaine et de développer les compétences de leurs collaborateurs. Les budgets sont constants ou augmentent.
Nous constatons aussi que dans le monde VUCA (Volatile, Uncertain, Complex and Ambiguous) dont nous entendons tant parler et qui a été si fortement renforcé par la crise Covid-19, l’apprentissage en continu est devenu vital pour les entreprises. Elles doivent s’assurer qu’elles ont les compétences nécessaires pour faire face au paysage en constante évolution dans lequel elles naviguent.
De nouveaux besoins émergent constamment et ces compétences doivent être soit acquises par les salariés existants, soit apportées via de nouvelles embauches, ce qui nous amène à notre deuxième constat.
2. Les entreprises éprouvent des difficultés à recruter du personnel (guerres de talents).
L’embauche de talents est devenue plus compétitive, avec notamment des compétences numériques en forte demande. Deux stratégies sont possibles :
- améliorer les compétences des employés que vous avez déjà grâce à des initiatives d’apprentissage afin qu’ils puissent relever les défis à venir
- créer un environnement plus attrayant pour les talents qui cherchent à changer d’entreprise mais aussi pour que les employés actuels souhaitent rester au sein de l’organisation.
3. Les salariés mettent davantage l’accent sur l’apprentissage en tant que composante majeure de leur expérience et de leur motivation.
Dans l’enquête sur le capital humain de Deloitte 2019, l’apprentissage est cité comme étant le premier challenge pour les organisations. Dans la même enquête, les répondants ont évalué « l’opportunité d’apprendre » comme étant l’une des principales raisons pour lesquelles ils acceptent un emploi.
4. Le manque de temps empêche les employés de participer aux programmes existants.
Combien de temps les gens consacrent-ils à l’apprentissage ? C’est l’un des défis majeurs soulevés lors de nos recherches. La plupart des managers ont déjà un calendrier chargé et travaillent sur des projets transversaux et sur plusieurs fuseaux horaires. La technologie numérique signifie que nous sommes rarement hors ligne, alors quand ont-ils vraiment le temps d’apprendre ?
5. L’apprentissage n’est pas seulement professionnel mais est désormais une compétence en soi
La transformation numérique signifie que de nombreux rôles deviendront redondants à mesure que l’automatisation prendra le relais. Comment les entreprises et la société au sens large vont-elles gérer les retombées, alors que même les emplois qualifiés sont transférés aux machines et à l’intelligence artificielle ?
C’est une question à l’échelle de la société, mais il est également clair que nous, en tant qu’individus, devons avoir une vision plus large de notre propre apprentissage et développement. Une qualification initiale d’une grande université ne suffit plus pour occuper un bon emploi ou pour bâtir une carrière réussie. Même l’ajout d’un MBA à un stade ultérieur ne garantira pas le succès. Nous devons développer l’apprentissage lui-même en tant que compétence, afin de pouvoir continuer à apprendre et à nous adapter aux nouveaux défis.
6. Les programmes traditionnels sont-ils encore assez attrayants ?
Les programmes d’apprentissage traditionnels (où un groupe se réunit dans un lieu déterminé, à un moment donné, avec un expert de terrain ou un formateur) sont souvent évités. Ils prennent trop de temps, ou du moins ne sont pas assez flexibles pour s’adapter aux horaires variés des participants. L’approche descendante d’un expert qui enseigne à un public non informé n’est plus acceptable non plus, en particulier pour les millennials qui privilégient un style d’apprentissage plus participatif.
Les apprenants recherchent un accès flexible à l’apprentissage qui s’intègre dans leur emploi du temps, ou auquel ils peuvent accéder quand ils le souhaitent, lorsqu’ils en ont le besoin.
Les tendances qui émergent
Nous nous éloignons d’une approche standardisée pour quelque chose de plus personnalisé. L’apprentissage d’aujourd’hui doit être :
- adapté aux préférences de chacun en termes de format, de style…,
- disponible à la demande,
- immédiatement applicable
II. Le contenu de l’apprentissage
Dans un passé encore récent, l’apprentissage non technique était souvent accompagné de titres accrocheurs (par exemple, gestion des conflits). Il était souvent présenté comme un ensemble de conseils et d’outils, avec des règles infaillibles qui pouvaient être appliquées à chaque situation. Si vous aviez suivi la formation sur la gestion des conflits, vous pouviez facilement gérer les conflits au sein de votre équipe. Du moins, c’était la promesse, et pour être honnête, cela fonctionnait bien à l’époque.
Dans le paysage d’aujourd’hui, le changement se produit rapidement. Ce n’est pas seulement l’environnement de travail qui change, mais aussi les collaborateurs que nous dirigeons et l’écosystème dans lequel nous travaillons. Cela signifie que les règles apprises lors d’une formation s’appliquent rarement, car chaque situation à laquelle nous sommes confrontés est pleine de nuances et d’exceptions. Nous n’avons pas tant besoin d’outils et de règles que de méta-apprentissages et de compétences cognitives.
Dans l’étude LinkedIn sur les compétences dont les entreprises ont le plus besoin en 2019², 57% des hauts dirigeants ont déclaré que le savoir-être était plus important que le savoir-faire et notamment :
- Créativité
- Persuasion
- Collaboration
- Adaptabilité
- Gestion du temps
Pour les leaders, le savoir-être peut être encore plus développé sur certains aspects :
- Intelligence émotionnelle
- Être à l’aise avec l’ambiguïté
- Conscience de soi et réflexion sur soi
- Créer et maintenir un espace psychologiquement sûr
Ces sujets peuvent être difficiles à cerner, en particulier pour un cadre qui peut penser qu’il a besoin de se développer, mais sans savoir articuler exactement quels sont ses besoins d’apprentissage. Il est plus facile de demander une « formation au management» que de demander « comment être à l’aise avec l’ambiguïté», mais c’est bien cette dernière qui pourrait être nécessaire. Nous devons donc être en mesure d’identifier les compétences nécessaires en termes de savoir-être, et de mesurer leur impact sur la croissance et la performance d’un individu.
Auteures
Anna Gallotti, Selika Cerofolini, Jody Julien & Jo Leymarie.
Biographies
Anna Gallotti
Anna Gallotti a 20 ans d’expérience en tant que coach exécutif. Elle est la fondatrice de deux sociétés de coaching, l’une basée à Paris (depuis 1999) et l’autre aux États-Unis (depuis 2013). Elle a également récemment fondé une entreprise de dimension internationale basée sur le micro-apprentissage.
Italienne, elle a vécu 20 ans à Paris. Depuis 2013, elle vit à New York et travaille entre l’Europe et les États-Unis. En 2001, Anna a reçu sa première certification en coaching à Paris. En 2009, Anna est devenue Master Certified Coach (+ 5000h coaching), examinatrice et coach mentor pour la Fédération Internationale de Coaching (40 000 membres dans le monde). Elle est également vice-présidente du conseil mondial de l’ITL à l’International Coaching Federation dont la mission est d’étudier les futures tendances du coaching et leur impact.
Anna est titulaire d’une licence en droit international de l’Université de Milan (Italie) et d’une maîtrise en droit européen de l’Université Paris V (France). Anna est co-auteur de 3 livres: «Make the right Choices» (en anglais, français et italien), «L’art et la pratique du coaching professionnel» (en français) et «Coaching for Leaders» (publié au quatrième trimestre 2020).
Pour plus d’informations, rendez-vous sur : www.share-coach.com et www.welead-coaching.com
Pour contacter Anna : anna.gallotti@share-coach.com
Selika Cerofolini
Selika Cerofolini est une coach professionnelle certifiée dans le cadre du programme Coaching for Transformation. Elle a fondé Joyful Path, une pratique de coaching holistique consacrée à l’approche de l’évolution personnelle et systémique avec un regard plus profond, un cœur compatissant et une vision plus large, au profit de l’individu et du collectif. Avant de réorienter entièrement sa carrière vers le coaching en 2018, elle a occupé des postes de direction dans le développement et la communication pour les institutions artistiques pendant 7 ans, tout en poursuivant ses intérêts pour la psychologie, la philosophie et une pratique de méditation dévouée. Originaire d’Italie, elle est titulaire d’un BA en communication internationale et d’une maîtrise en relations internationales et études diplomatiques de l’Université de Pérouse (Italie).
Selika vit et travaille à New York. Son adresse email : selikac@joyfulpathcoaching.com.
Jody Julien
Née aux États-Unis, Jody Julien est diplômée de l’Université d’Oakland au Michigan et du RIT de New York dans les domaines du commerce international et des ressources humaines stratégiques. Formée et certifiée en coaching professionnel et personnel avec plus de 500 clients et +2500 heures de coaching à ce jour. Elle a occupé des postes de direction mondiale des opérations et des ressources humaines pendant plus de 20 ans en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Europe, et est actuellement basée à Paris. Elle est la fondatrice de J2 Coaching & Consulting depuis 2011, spécialisée dans le développement professionnel et l’efficacité organisationnelle. Jody est une conférencière sur les thèmes du leadership au féminin et des transitions vers des postes de haut dirigeant.
Plus d’informations sur www.J2coaching.com ou contactez Jody à jody.julien@j2coaching.com.
Jo Leymarie
Née et formée en Grande-Bretagne, Jo Leymarie est titulaire d’un BA en droit et en français de la Metropolitan University de Londres. Elle vit et travaille en France depuis 30 ans.
Jo a 25 ans d’expérience dans la création et la gestion de centres de profit en France pour des entreprises internationales. Elle a fondé Walden en 2015, société de coaching et de conseil pour accompagner les managers et les équipes dans les transformations et contribuer à construire un lieu de travail centré sur l’humain.
Elle est membre de SOL France (Society for Organizational Learning) et ses principaux sujets incluent le leadership durable, l’apprentissage organisationnel, la diversité et l’inclusion.
Vous pouvez la contacter à jo@waldencoaching.fr, www.waldencoaching.fr
Bibliographie:
Deloitte, Global Human Capital Trends 2019
Workplace Learning Report. LinkedIn 2019
https://learning.linkedin.com/blog/top-skills/the-skills-companies-need-most-in-2019–and-how-to-learn-them