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Les vides et les pleins

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Est-ce que cela vous est arrivé de passer des moments où vous êtes particulièrement irritable et/ou agité ? Je me réfère à des moments de vie, plus qu’à « la journée qui va de travers », à de périodes assez longues où nous ne sommes pas en phase avec nous-mêmes, comme s’il y avait un bruit de fond qui est là et qu’on n’a pas envie d’entendre.

J’en parlais récemment avec une cliente avec qui je partageais le moment dans la vie où les enfants commencent à partir pour faire leurs études. Elle me disait qu’elle était devenue irritable au travail comme à la maison, qu’elle avait du mal à tolérer les petites contrariétés quotidiennes et qu’elle vivait des hauts et des bas comme sur les montagnes russes. Un autre client a changé de supérieur hiérarchique et il ne s’entend pas avec le nouveau : lui aussi il vit des hauts et de bas, l’irritabilité, parfois la perte de sens…

Les symptômes communs sont, en plus de l’irritabilité, une certaine agitation de fond, comme si on était « entre deux » sans bien savoir comment se situer dans la situation. Ce sont des moments de passage, plus ou moins longs : passages de vie, passages professionnels où on a quitté une situation confortable et on est « au milieu ». Est-ce que cela vous est déjà arrivé ? Dans l’affirmative, je vous invite à lire la suite pour en savoir un peu plus ; dans la négative, deux possibilités : soit ça ne vous est pas arrivé du tout, soit vous êtes ou avez été dans une sorte de déni de la situation. Dans les deux cas, je vous invite également à lire la suite car elle va peut-être vous donner des éclairages.

Un train en cache un autre

Le voyage émotionnel qui se vérifie souvent dans ces situations est le suivant : Irritabilité et/ou sur-investissement dans l’action => angoisse => tristesse => résilience, rebond, renouveau.

Permettez-moi de vous détailler ces phases :

1/ Irritabilité et/ou sur investissement dans l’action

Ce sont les premiers symptômes d’un mal être ou d’un changement qui doit se faire mais qui pour l’instant est à un stade de déni ou de non conscience. Le monde change autour de nous et au lieu de prendre acte de ce fait inéluctable et le surmonter, nous devenons agités, irritables : sur investissement dans le travail, dans le sport, dans les milles activités. Tout est bon pour ne pas penser. Parce que le déni du fait que ce changement ne nous plaît pas est, en apparence, plus facile à supporter que le sentiment sous-jacent qui est l’angoisse.

2/ L’angoisse

Personne n’aime ce sentiment de vide profond, donc mieux se débattre dans l’agitation et l’irritabilité que rencontrer l’angoisse. C’est humain. Car l’angoisse est provoquée par la conscience du vide, presque existentiel face à certains évènements de la vie. Si je reprends les exemples cités plus haut, le départ des enfants de la maison non seulement provoque un vide réel dans notre vie quotidienne, mais aussi un vide de sens puisque cela nous met devant le fait que notre vie va vers la fin : ils partent pour faire leur vie ? Et nous ? On a déjà notre travail, notre vie est déjà construite, quoi après ? La vieillesse, quelle perspective réjouissante !

Les changements professionnels peuvent aussi nous laisser ce vide. Le nouveau chef ne nous soutien pas autant que le premier, il ne fait pas le chef tel que nous l’entendons : cela nous met face au vide de la place que nous voulons prendre dans cette nouvelle configuration, peut-être à notre responsabilité, peut-être à notre impuissance car nous pensons ne pas y arriver…

3/ La tristesse

Si nous laissons la place à cette angoisse et au vide qu’elle provoque, si nous prenons le temps de la rencontrer vraiment, alors il est fort probable que nous allons rencontrer un autre sentiment, la tristesse. Ce dernier sentiment est peut-être celui qui est le plus profond et que nous avons du mal à intégrer : le départ d’un enfant, celui d’un chef qu’on aimait c’est normal que cela provoque de la tristesse. Mais de nos jours rares sont les personnes qui vous disent « je suis triste », comme si ce sentiment devait être banni du vocabulaire de l’homme et la femme du XXIè siècle. Dans l’époque où tout va rapidement et où tout le monde doit aller bien et montrer qu’ils vont bien, il est beaucoup plus acceptable socialement d’être en sur activité, super occupés et avec plein d’engagements, ou même irritable… tout pourvu de ne pas rencontrer et montrer qu’on peut être tristes.

4/ Et après ? Le renouveau !

Seulement quand on rencontre notre tristesse, le vrai renouveau arrive. Il n’est pas nécessaire de se « pleurer dessous » qui est la dérive de l’autre côté du curseur (la complaisance vis-à-vis de ses malheurs), mais de bien acter que nous avons ce sentiment, le regarder en face, pour ensuite le saluer et partir sur une autre phase de vie ou professionnelle. Ce n’est qu’en vivant pleinement nos sentiments, en les acceptant tels qu’ils viennent sans les cacher à nous- mêmes, que nous pouvons faire le deuil de ce qui n’est plus pour réinvestir nos énergies en quelque chose d’autre.

Parfois il est difficile de se projeter dans un futur que l’on ne connaît pas. Mais ce futur a besoin aussi d’émerger d’un passé qui est clos pour vraiment créer du nouveau. Il faut laisser du vide pour créer du nouveau plein. Mais si, pris par notre agitation, nous ne laissons pas la place à des vides, comment pouvons-nous nous renouveler ?

Je sais, ce n’est pas facile, je suis la première à vivre très mal les vides et à vouloir les éviter à tout prix, mais depuis un moment, je me laisse aller à regarder mes moments d’angoisse et ensuite de tristesse et je vois que cela porte ses fruits tant du point de vue professionnel que relationnel. C’est ce que je vous souhaite aussi.

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